Equipe première

Et fidèle à sa tradition d'une musique de chambre sous tous ses formats, Nicolas Dautricourt a programmé un duo (Maurice Ravel, Duo pour violon et violoncelle en la mineur, 1920), un trio à cordes du moins connu J. Françaix, la Pavane de Gabriel Fauré (1887) et le beau Quatuor à cordes op. 10 en sol mineur de Claude Debussy (1893).

Nicolas, à la fois sélectionneur exigeant et capitaine exemplaire, dispose ce soir de son effectif d'internationaux au complet : Ryoko Yano et Jesus Reina (violon et alto), assistés de Per Nyström (violoncelle), qu'il appellera au fur et à mesure. Duo de Ravel puis trio à cordes de J. Françaix (1933), qui compte bien quatre mouvements ("Dans le groupe, c'est souvent Ryoko qui a raison"), tour à tour sautillants et enlevés, langoureux et romantiques, martiaux aussi, parfois.

Et si l'on peut dire que J. Françaix (1912-1997) fait partie de la seconde division des musiciens français du siècle dernier, c'est bien l'équipe première du Festival qui est sur le terrain, emmenée par son emblématique capitaine, secondé par l'infatigable Per.

Une "Pavane" grave jouée tout en retenue ouvre la deuxième mi-temps, et annonce un quatuor à cordes interprété par une équipe au sommet de son art. Et parce qu'un impromptu inattendu a perturbé la préparation du concert, les joueurs - pardon, les musiciens - permutent tant leurs postes que leurs instruments. Dans un jeu de violons musicaux, Jesus hérite du Stradivarius de l'un, Ryoko du violon de l'autre, Nicolas de l'alto du troisième. Per Nyström garde son sang-froid légendaire et son violoncelle personnel. Cette œuvre pleine de diversité, tantôt grave, tantôt enjouée, ou encore virevoltante, est un sommet de l'œuvre de C. Debussy et un exemple parfait, raffiné et sensible, du génie français de la musique qu'a voulu honorer cette soirée.

Le score est acquis, mais parce que les belles rencontres ont toujours un temps additionnel, la Méditation de J. Massenet prolonge encore un peu la soirée, fait lentement reprendre ses esprits, ou au contraire laisse la première et ces derniers, et le spectateur avec eux, comme en suspens.