Nuit des Etoiles

J.S. Bach, bien sûr, Sonates et Partitas pour violon seul (1720), mystérieuses et lumineuses comme un ciel d'été. Le vent joue des tours à sa façon, il faut replier l'ombrelle pour mieux observer le ciel. Comme la veille, les partitions volent avec les notes, libérées du carré de toile. Ont-elles de concert pris rendez-vous pour une observation astronomique au milieu de la nuit ? Henryk Wienawski (1835-1880), Etudes-Caprices pour deux violons (Op. 18, 1862) : virtuosité du violon dans toute sa splendeur suggérait le titre du concert, nous y sommes : les deux interprètes rivalisent d'audace et ne manquent pas de bravoure.

Tirés des 44 duos pour deux violons, courtes études de Bartok à l'attention des élèves violonistes, Ryoko et Nicolas se partagent les pièces et les rôles : un même pupitre, à moi le dessus, à toi le dessous, échange de premier et de deuxième violon, comme deux jeunes candidats prometteurs devant un jury international.

Mais ce soir nous sommes le jury, émerveillé, bienveillant et chaleureux, tout prêt à accorder un premier prix ex-aequo, avec toutes nos félicitations. Vient par exemple, extraite du Livre II, une "Danse du moustique" (XXII) mais toujours aucun "Entracte" car maintenant diplômés, nos artistes ont pris de l'assurance et se collètent à trois des Vingt-Quatre Caprices de Niccolò Paganini (1819), figure diabolique du violon romantique. Caprice n° 9 en mi majeur, "La Chasse", même si ce n'est pas la saison, n° 20 en ré majeur, et n° 24 en la mineur, le plus connu, qui a fait l'objet de nombreuses retranscriptions et transpositions.

Quelques gouttes de pluie plus tard, c'est un autre monument du violon, autre moment de bravoure, qui attend nos deux interprètes. La seule sonate pour deux violons (Sonate en la mineur, 1915) écrite par Eugène Ysaÿe (1858-1931), compositeur élève de Wienawski déjà cité. D'élève, Nicolas s'est fait professeur pédagogue, pour une introduction bienvenue à cette composition touffue, complexe, déroutante, emblématique de l'écriture musicale de cette époque et redoutée des violonistes de la nôtre.

Amas de notes comme on parle d'amas d'étoiles, et dont l'exploration fine semble requérir des instruments complexes et un savoir émérite, mais ce soir à notre portée grâce à deux passeurs attentionnés.

Les nuages auront le dernier mot : pas d'observation du ciel cette nuit au-dessus de Corbigny. Les astronomes amateurs resteront sur leur faim mais les mélomanes sont rassasiés.